L'apprentie artiste se souvient
Katharina Krieger
Etait-ce le destin, un hasard providentiel,- comment dois-je désigner- la première rencontre du professeur Will Hall ? Une petite peinture à l’aquarelle que j’ai peinte moi-même, une image de Sainte Cécile comme cadeau pour la fête de Cécile Conen, chanteuse qui fait partie de la chorale de l’Eglise Saint-Joseph, était le point de départ. Madame Conen qui était enthousiasmée de mon travail, m’a proposé une formation complémentaire Cela correspondait à mon propre souhait, car je cherchais depuis longtemps une école privée.
On m’a recommandé un ami de la famille Conen, un peintre de Düsseldorf qui était invité chaque semaine dans la rue Venlo, étudiant de maitrise de l’académie Will Hall. Hall était d’accord pour que je me présente avec quelques travaux.
Et c’est ainsi qu’un rendez-vous de mon premier cours de formation a bientôt été conclu dans l’atelier de Will Hall à Düsseldorf, naturellement à la main du père qui devait se convaincre du nouveau lieu d’étude de sa plus jeune fille. Avec une grande attente j’ai pénétré dans l’atelier sur la Schützenstrasse et dès le premier coup d’œil j’ai été bouleversée : des dessins au fusain plus grand que nature avec des scènes bibliques étaient fixés sur une immense cloison en bois qui partageait l’atelier en un espace habitable et une aire de remisage Je ne les ai jamais oublié. Derrière cette cloison se trouvait une œuvre empilée de trente ans, qui, en 1943, était devenue victime des bombes incendiaires pendant la guerre, de même que l’atelier nouvellement loué avec mes travaux d’une dizaine d’années.
De même, je me souviens encore très bien des odeurs dans l’atelier de Hall à cette époque. Il s’agissait d’un mélange de charbon carbonisé de l’immense four, de térébenthine, de cendre de cigares et de choses indéfinissables. Mais pour mes sens accordés à la fête c’était comme si j’entrai dans une vieille église qui a le plus souvent une odeur d’encens et de moisissure. Le maître était une forte personnalité qui inspirait par sa présence et sa voix un immense respect, de sorte que pendant longtemps je ne risquais pas de prononcer aucun mot.
Professeur très tolérant, toutefois sévère, mais répondant au talent des apprentis artistes et uniquement axé sur le métier, a bientôt demandé à la débutante Hall des taches difficilement réalisables, avec des représentations thématiques de la littérature classique telles que, par exemple l’Odyssée ou de l’ancien testament avec des compositions de la taille d’un tableau mural, que je commençait à prendre peur. Mais Will Hall ne tolérait pas des sentiments d’infériorité, il attendait beaucoup, critiquait et félicitait seulement lorsque cela lui semblait approprié. Il était professeur de bout en bout, enseignant jusqu’à peu avant sa mort.
Je me souviens : c’était une semaine avant sa mort que le gravement malade se levait difficilement de son lit pour encore corriger les travaux de ces derniers élèves privés. Il était toujours intéressé aux produits artistiques des collègues doués, même si de temps à autre il les critiquait sévèrement.
Des pensées critiques et les conséquences caractérisaient sa nature. C’était un solitaire qui se tenait en retrait de tous les groupes d’artistes, également du cercle de la mère Ey. Toutefois, cette conséquence lui a coûté le succès qui lui serait revenu comme l’un des rares premiers peintres abstraits en Allemagne. L’exemple Flechtheim : le jeune galeriste de Düsseldorf Alfred Flechtheim, un grand collectionneur de la modernité de l’époque voulait faire connaître Hall à condition que ce dernier dessine exclusivement des œuvres abstraits. Répondre à cette demande était impossible pour Will Hall, il ne voulait pas se lier à un galeriste de cette manière. Par son refus rapide, il a prononcé lui-même avec un grand regret son jugement. Car à cette époque, de même plus tard, il avait juste le nécessaire pour vivre.
De même, je me souviens également de la visite à la fin de la guerre d’une marchande d’art à Unterbach, lorsque nous avions faim. Une voiture chargée avec des produits alimentaires devenus rares se trouvait devant la porte et qui étaient destinés à un échange contre des tableaux. << Un non absolu, pas avec nous >> a bientôt chassé la commerçante. Mais moi, la maîtresse de maison avait un léger regret, mettre de nouveau la casserole avec de l’eau sur le feu, dans l’espoir du miracle d’un potage vigoureux. Non, Will Hall n’était pas un partenaire facile, mais bien et peut-être malgré tout un méritant. Dans tous les cas, un éducateur – et à ce sujet encore et malgré tout profitable.
Dans le vieux temps le maître apprenait aux élèves tout d’abord à frotter des couleurs et à préparer l’écran de projection avant de pouvoir effectuer d’autres préparations sur l’œuvre de l’instructeur, - beaucoup de choses qui sont devenues superflues aujourd’hui. Pour cela une collègue et moi avions le droit pour des raisons éducatives, comme Hall le nommait, de régler des affaires pour le maître qui lui semblait fastidieux tel que par exemple tourner le moulin à café ou acheter du boudin bon marché et des cigarillos qui ne lui manquaient jamais. Ces courses semblaient à nous les filles au moins aussi honorables comme aux apprentis des anciens maîtres le frottement des couleurs.
Käte Hall-Krieger, en septembre 1991
Source : Traduction Catalogue de l’exposition : WILL HALL 1897 – 1974, Clemens-Sels-Museum Neuss, 6. Octobre – 10 Novembre 1991.